Les Keltois du clan des Sessairs

Blason / Symbol :

Le Minotaure

Localisation :

Plaines d’Avaggdu

Dirigeant(s) :

Ard-Ri

Divinité(s) :

Danu, Murgan, Cianath, Fiann, Siobhan, Neraidh

Villes :

Kel-An-Tiraidh
Tain
Dun-Scaith

Tribus :

L’Autre Monde
Le Clan du Corbeau
Kel-An-Tiraidh
Les Gardiens de Scâth
La Horde Murgan
Les Loups d’Avagddu
File Fhaid (Rooted)

Atouts :

ToDo

Alliés :

Les Lions d’Alahan, Les Griffons d’Akkylannie, Les Elfes Cynwäll

Description :

ToDo

Artefacts :

Artefacts Sessairs

Background :

Cry Havoc Nr. 1, Page 64.
DES ORIGINES DE LA CRÉATION À L’ÉMERGENCE DU PEUPLE DE KEL.
« Barbares », « primitifs », « incultes »… C’est en ces termes que notre civilisation décrit le plus souvent nos turbulents voisins des plaines du Nord. Que d’ingratitude et de vanité dans l’attitude hautaine que nos contemporains adoptent à l’égard de leurs propres origines. Car ignorer la culture de ces « barbares » revient ni plus ni moins à renier les racines de toutes les sociétés humaines de ce continent. À l’heure actuelle, « keltois » s’applique à de nombreuses ethnies aux us et coutumes très différents. Au-delà de l’existence des tribus mineures disséminées de la plaine d’Avagddu jusqu’aux confins les plus reculés du royaume d’Alahan et de l’empire d’Akkylannie, le peuple keltois est essentiellement représenté par les Sessairs et les Drunes. Aujourd’hui ennemis mortels, ces deux clans partagent pourtant un passé commun qui nous est relaté dans une mythologie des plus obscures. Les Keltois sont en effet un peuple secret et méconnu. Il est malaisé, même pour l’érudit le plus averti, de percer les mystères qui entourent l’histoire des tribus disséminées sur les plaines d’Avagddu. Cela est principalement dû à trois causes. Les récits des bardes et autres conteurs sont la plupart du temps empreints de mysticisme et d’une symbolique très forte. Il est par conséquent éminemment difficile de faire la part des choses entre les faits réels et la dimension mythique des légendes keltoises. Par ailleurs, cette culture possède une tradition orale. Les écrits sont rares et ce sont les conteurs qui, se transmettant histoires et légendes de génération en génération, sont la mémoire de ce peuple. Il paraît donc inévitable qu’au fil des décennies ces récits aient subi de multiples altérations. Enfin, le nombre important de tribus keltoises et les rivalités qui les opposent pourraient suffire à expliquer l’aura de mystère qui entoure cette culture. Car les récits, bien que présentant la plupart du temps une base commune, diffèrent au sein de chaque clan et parfois même entre les tribus d’un même clan. C’est en tout premier lieu dans le panthéon keltois que cet état de fait est le plus remarquable : héros mythiques et divinités s’y côtoient, échangeant parfois leurs places, leur symbolique ou leurs attributs au gré des différentes versions. Les textes transcrits ciaprès, fruits du remarquable labeur des copistes de la bibliothèque de Kallienne, témoignent de l’incroyable complexité et parfois même des incohérences de la mythologie keltoise. Certaines de ces légendes font l’objet de différentes versions, mais celles qui ont été choisies ici sont les plus couramment rencontrées. Ils n’en demeurent pas moins d’exaltants récits qui nous permettent aujourd’hui de mieux appréhender ces peuples aux moeurs certes très éloignées des nôtres, mais dont les légendes nous ramènent à nos racines. Les textes ci-dessous sont issus d’un recueil de mythes keltois transcrits par les copistes de l’université de Kallienne.

Danu et Lahn.
Alors que la terre d’Aarklash était encore jeune et que nul homme ni bête ne foulait encore son sol, Lahn et Danu veillaient ensemble sur toute chose. Lahn régnait sur les cieux et, en ce temps, le jour ne connaissait pas de fin car jamais la Lumière ne cédait la place aux Ténèbres. Danu étendait son pouvoir sur toutes les autres choses. Elle avait modelé les collines et les montagnes, creusé les fleuves, les lacs et les océans, créé les prairies verdoyantes et les sombres forêts. De ses dons, le plus magnifique était celui de la vie. Danu s’était unie à Lahn, mais cette union était, en un sens, restée stérile. Certes, elle avait mis deux enfants au monde, mais s’agissant de deux garçons, Lahn en conclut que jamais sa descendance ne peuplerait Aarklash. Amer, il se détourna de Danu. Danu demeura seule avec ses deux fils, Cianath et Murgan. Cianath ressemblait beaucoup à sa mère. Bon et généreux, il avait également hérité de son père la vision des cieux, la connaissance de toute chose. Murgan, quant à lui, tenait beaucoup plus de Lahn. Impulsif et susceptible, il lui arrivait souvent de chercher querelle à son frère. Danu demeurait toujours insatisfaite, souffrant de voir sa terre vide et inhabitée malgré le don qui était le sien.

Le creuset originel.
Affligé de voir sa mère se morfondre de la sorte, Cianath chercha longtemps un moyen de lui donner la possibilité de peupler cette terre. Son regard errant finit enfin par découvrir ce qu’il recherchait. Il était un endroit en Aarklash où les créations de Lahn et de Danu se rejoignaient pour s’unir et se séparer perpétuellement. Cianath se dit que s’il parvenait à unir ces éléments pour de bon, il pourrait offrir à sa mère ce qu’elle désirait tant. Cianath partit alors et marcha une éternité. À bout de forces, il atteint enfin la grotte de sa vision. Ici, la Terre et l’Eau se mêlaient au Feu et à l’Air ardemment. Se saisissant d’une pierre tranchante, Cianath s’entailla le bras et laissa son sang couler dans la glaise bouillonnante. Il ne cessa qu’aux portes de la mort, lorsque l’amalgame des éléments fut presque totalement refroidi. Il recueillit alors un peu de cette terre et la modela pour lui donner la forme d’un grand creuset. Puis il façonna un être d’argile dont il fit le gardien de cette source miraculeuse, avant de s’en retourner auprès de Danu. En offrant à sa mère le fruit de son sacrifice, Cianath lui tint ce discours : « Puisque tu m’as jadis donné la vie, je t’en rends aujourd’hui une part pour que tu puisses peupler ce monde selon tes désirs. » Il modela alors une figurine de Terre représentant un cerf, puis la tendit à sa mère et l’enjoignit de l’oindre d’une goutte de son sang. Il plongea ensuite la statuette dans le creuset et en ressortit le premier animal qui foula le sol d’Aarklash. Par la suite, Danu créa d’autres animaux qui se dispersèrent sur sa terre. À la différence de Danu, Lahn, Cianath et Murgan, leur vie était limitée dans le temps, mais ces êtres pouvaient se reproduire et leur nombre allait en se multipliant. Murgan trouva que le creuset était imparfait. Il voulut lui aussi se montrer reconnaissant envers sa mère en offrant l’immortalité à ses créations. Alors il versa à son tour son propre sang dans le creuset. Danu créa alors les Ogmanans, un peuple de géants, et la lignée des centaures. S’ils bénéficièrent bien de la vie éternelle ainsi que l’avait voulu Murgan, ils leur manquaient la faculté de procréer. Danu décida alors que les géants et les centaures seraient les dernières de ses créations.

La tribu de Kel.
Kel est la terre mythique des Keltois. Nul ne sait pourquoi la tribu qui conquit Avagddu en était partie. Nombreux sont les récits qui divergent à ce sujet. D’aucuns prétendent qu’il s’agissait d’une île qui fut engloutie par les eaux. D’autres racontent que des démons venus des mers forcèrent les Keltois à l’exil. D’autres encore avancent l’hypothèse que Kel n’est qu’une partie d’un vaste continent et que la tribu qui débarqua en Aarklash étaient des conquérants en quête de richesses. La tribu de Kel était un peuple de guerriers puissants qui vivait autrefois sur l’île qui leur avait donné leur nom. Les dieux qui les avaient jadis créés les trahirent un jour. Nul ne sait pour quelle raison ils se retournèrent contre leurs premiers enfants, mais les hommes virent un jour leur perte émerger de la brume. Les démons des mers les assaillirent. Les hommes de Kel se battirent avec courage et résolution, mais les flots vomissaient sans cesse de nouvelles créatures. Bientôt, les chefs durent se résoudre à emmener leur peuple au-delà du grand océan, à la recherche d’une terre d’asile. Les anciens dieux furent maudits et leurs noms abandonnés aux démons. Le peuple de Kel embarqua à bord de ses navires et entama un long périple qui se termina sur les côtes d’Aarklash. Lorsqu’ils posèrent le pied sur la terre qui deviendrait par la suite Avagddu, les hommes et les femmes de Kel furent accueillis par les géants. Avertis de leur arrivée par Cianath le Clairvoyant, ces Ogmanans furent émus par le récit des Keltois et décidèrent de leur accorder le droit de s’installer sur leur terre. Ils posèrent cependant une condition : les Keltois ne pourraient rester que s’ils acceptaient de jurer obéissance à leur déesse, Danu. Les hommes demandèrent alors un délai et se retirèrent sur leurs navires pour débattre sur la question. En ce temps-là, le peuple de Kel avait pour chef un farouche guerrier qui pouvait se montrer sans pitié envers ses ennemis, mais qui faisait toujours prévaloir le bonheur des siens. Avagd à la Main Rouge était son nom. Son peuple était harassé par la longue traversée et il se déclara favorable au marché que leur offraient les géants. Les autres dignitaires de la tribu jurèrent cependant que plus jamais ils ne se laisseraient abuser par les dieux. Après de longues heures de discussion, les chefs des hommes prirent une décision : ils n’imposeraient pas un nouvel exode à leur peuple, pas plus qu’ils ne retomberaient en servitude. Lorsque les géants revinrent quérir la réponse des Keltois, ils les trouvèrent en train de bâtir un campement et pensèrent qu’ils avaient accepté leur marché. Ogmios, le chef des géants, se présenta devant Avagd et lui offrit une statuette à l’effigie de Danu. Avagd refusa le présent. Déconcerté, Ogmios insista, mais l’un des chefs humains se saisit de la statuette et la brisa en signe de défi. Comprenant ce geste mieux que toute autre explication, Ogmios et les siens se retirèrent sans un mot. Ils s’en allèrent trouver Murgan sur la montagne boisée où celui-ci se plaisait à chasser. S’entendant rapporter l’injure faite à sa mère, Murgan jura de laver l’affront dans le sang.

La bataille des Rives rouges.
Menant les géants à sa suite, Murgan arriva bientôt aux abords du camp construit par les Keltois. Ceux-ci étaient venus sur cent navires qui chacun avait emmené cent hommes et femmes. Leur campement s’étendait à perte de vue le long du rivage battu par les embruns. Les géants étaient dix fois moins nombreux, mais chacun d’eux aurait pu abattre, seul, trois de ses adversaires. Et Murgan marchait à leurs côtés. Lorsqu’il s’avança au-devant des hommes, ce ne fut pas pour les enjoindre à nouveau de quitter sa terre. “Les démons venus des mers” avaient insulté Danu et il leur faudrait en payer les conséquences. « Hommes de Kel ! lança Murgan. Il n’est plus temps de regretter vos actes. Je suis venu réclamer le prix du sang ! » Sur ces paroles, il se retira pour rejoindre Ogmios et les siens, déjà prêts pour l’assaut. Les guerriers keltois se pressèrent alors derrière le remblai dressé à la hâte. L’arme au poing, ils se préparèrent à recevoir la charge des géants. Ceux-ci se tenaient parfaitement immobiles à cent coudées du camp, attendant un signal qui ne tarda pas à venir. Murgan leva sa lance et la tint pointée vers le soleil durant quelques instants. Lorsqu’il la baissa soudain en direction du camp keltois, Ogmios poussa un formidable cri de guerre repris en chœur par des centaines de guerriers avides de combat. Alors ils s’élancèrent. La terre tremblait sous leurs pieds et leurs enjambées couvraient chacune plus de dix pas. Lorsqu’ils arrivèrent à portée des javelots des défenseurs, une volée de traits obscurcit un instant le ciel. Quelques géants mordirent la poussière sous l’impact d’un tir chanceux, mais pour la majorité de ces colosses, les projectiles n’étaient que des piqûres d’insectes. Puis vint le choc, terrible et effrayant. Les remparts de bois érigés par les Keltois furent percés par les assaillants qui s’engouffrèrent dans l’enceinte par cent brèches. À l’intérieur, femmes et enfants couraient en tous sens, hurlant de terreur. D’énormes épées fauchaient les Keltois comme des boisseaux de blé. Après quelques minutes, il fut évident que la bataille allait tourner au massacre ! Tel un ange de la dévastation, Murgan combattait avec rage et fureur, et chaque fois qu’il abattait sa lance de feu, la vie quittait un guerrier de Kel. Une fois les premiers instants de panique passés, les défenseurs se rassemblèrent autour d’Avagd dont la voix puissante appelait ses guerriers à se regrouper. Et alors que les géants s’éparpillaient sans ordre dans le camp, poursuivant des victimes au hasard, les Keltois s’organisèrent en petits groupes et parvinrent enfin à riposter. Pour chaque Keltois qui tombait, trois autres prenaient sa place et, un à un, les géants furent cernés. Si le sang de Murgan leur avait accordé une longévité sans limite, ils n’en étaient pas moins vulnérables aux lames de bronze des hommes. Les géants furent mis à mort. Au paroxysme du carnage, Ogmios, qui était lui aussi un chef sage et avisé, implora Murgan d’ordonner la retraite. Furieux et frustré, Murgan se résolut cependant à abandonner le combat avant que les Ogmanans soient totalement décimés. Lorsque les géants se retirèrent, une clameur d’allégresse s’éleva dans le camp dévasté. Hélas, les réjouissances qui suivirent cette victoire s’avéreraient bien prématurées.

Du mythe à la réalité.
Ce récit épique qui relate l’arrivée du peuple de Kel sur Aarklash, pour romancé qu’il soit, n’en recèle pas moins une base historique que l’érudit se doit de savoir déchiffrer. Concernant le peuple de Kel, les traces de civilisations disparues ne manquent pas sur notre continent, comme l’attestent les ruines retrouvées sur les rivages de Syharhalna et dans les marais de No-Dan-Kar. Pourtant, aucune d’entre elles ne saurait être attribuée aux Keltois. Peut-être devons-nous chercher là les raisons qui poussèrent jadis la tribu de Kel à quitter sa terre natale ? Des civilisations capables de laisser de tels vestiges ne disparaissent pas corps et biens sans laisser d’autres traces que ces impressionnants monuments. Ainsi se pourrait-il que « les démons venus des mers » évoqués dans les récits keltois ne soient autres que les précédents occupants d’Aarklash ? Tout cela n’est évidemment qu’hypothèse et les historiens se perdent en conjectures sur les raisons de la disparition, ou du départ, de ces antiques civilisations. Il s’agit toutefois d’une piste à ne pas négliger. L’origine des géants et des centaures relève quant à elle d’un mystère tout aussi épais. Leur nature immortelle et semi-divine leur fut sans aucun doute attribuée par les Keltois eux-mêmes, impressionnés qu’ils furent par leur force et leur étrange apparence. En outre, les traces de leur passé avant qu’ils soient assimilés par les Keltois sont rares. Il est probable que les centaures de la plaine sont issus d’une branche éloignée et peu développée de la nation koldani, alors plus présente au Sud du continent. C’est à partir de cette hypothèse difficilement vérifiable que les centaures keltois sont également désignés sous le nom de Keldani par les profanes… En ce qui concerne les géants, il semblerait que les Ogmanans du plateau de No-Dan-Kar constituent l’unique communauté de ce peuple jamais identifiée. Quelle que soit leur origine, il apparaît clairement, à l’étude des mythes keltois et de l’évolution de ces peuplades, que ces deux ethnies étaient déjà sur le déclin lorsque le peuple de Kel débarqua sur les côtes d’Aarklash. Pour cette raison, et comme tend à le prouver la suite des événements, un rapprochement entre ces trois peuples isolés allait bientôt apparaître comme l’unique solution au conflit qui les opposait alors.

Cry Havoc Nr. 5, Page 72.
Kel ou les origines d’une civilisation.
Extrais de l’ouvrage du même nom pas le Docteur Abronsius, Doyen de l’Université de Kalienne.
Tous les Humains dscendent des courageux voyageurs venus d’une lointaine et mystérieusse terre. Les mythes et les légendes du peuple Kel sont à la source de toutes civilsation humaines. Ils irriguent la sagesse populaire de la plupart des royaume humains.

LA COLÈRE DE DANU
Lorsque Murgan se présenta devant sa mère pour lui rapporter les événements qui venaient de se produire, Danu entra pour la première fois de son existence dans une grande colère. Elle reprocha tout d’abord à Murgan d’avoir agi de façon inconsidérée. Mais plus grande encore était sa rancoeur envers les envahisseurs qui avaient massacré les Ogmanans et chassaient maintenant ses animaux. « Je suis cette terre et nul être vivant ne tirera profit de mes bienfaits si je ne l’y autorise. Mes sources n’étancheront pas la soif des hommes venus de la mer. Il se dégagera d’eux une odeur pestilentielle, de sorte que mes animaux les sentiront toujours venir et qu’ils ne pourront se nourrir de leur chair. Le bois de mes arbres tombera en poussière sous leurs haches et, de cette façon, ils ne pourront se construire nul abri ni allumer de feu pour se protéger du froid qui s’abattra sur eux. » Tels furent les mots de la Déesse. Puis, elle fit venir Ogmios et lui ordonna de modeler et de lui apporter une statuette de terre à l’image de chacun des siens tombés au combat. Ainsi fut fait et Danu donna à nouveau son sang pour rendre la vie aux Ogmanans grâce au Creuset originel. Et les Keltois endurèrent la malédiction de Danu. Partout où ils allaient, les sources tarissaient sous leurs pas et le gibier fuyait bien avant que les chasseurs ne l’aperçoivent. Ils souffrirent cruellement du froid, car ils n’avaient ni peaux de bête pour se protéger, ni bois pour s’abriter ou faire du feu. La faim et la soif les tenaillaient, mais pas une seconde ils n’envisagèrent de fuir à nouveau. Il advint alors qu’un homme de la tribu demanda audience à Avagd. Lorsqu’il le reçut, cet homme, qui répondait au nom de Sénatha, prétendit pouvoir trouver une solution à chacun des maux qui frappaient le peuple de Kel. Avagd lui fit alors deux promesses. S’il disait la vérité, le roi lui consentirait le premier de ses souhaits, quel qu’il fut. Si, en revanche, il se moquait de lui, il serait banni de la tribu. Puis, Avagd demanda à Sénatha de quelle façon il comptait s’y prendre. Sa réponse fut la suivante : « La Déesse a tourné la nature contre nous. J’asservirai à mon tour les éléments de façon à contrer cette malédiction. » Sénatha sortit alors quatre pierres translucides d’une bourse de cuir. « Grâce à cette gemme, je forcerai les sources à remonter à la surface. Avec cette autre, j’ordonnerai au vent de disperser notre odeur pour permettre aux chasseurs d’approcher le gibier. Avec cette troisième, je bâtirai des huttes de pierre et de terre, plus solides encore que celles de bois, puis j’apporterai la chaleur du feu dans chacune d’elles grâce à cette dernière gemme. » Et Sénatha tint chacune de ses promesses. Les Keltois purent alors étancher leur soif et manger à leur faim. Ils bâtirent également une cité entourée de solides murs de pierre. Et, dans chaque foyer, un feu inextinguible protégea les occupants des rigueurs du froid. Sénatha s’en revint alors auprès d’Avagd pour réclamer son dû. « Je tiendrai parole, dit Avagd, tu peux me demander ce que tu désires. Mais auparavant, dis-moi d’où te viennent ces pierres magiques et la connaissance de tels secrets. » Alors, Sénatha consentit à conter son voyage à Avagd. Après la bataille des Rives rouges, Sénatha s’était éloigné du camp. Il avait passé des heures à soigner les blessés et son corps tout entier était poissé de sang. Mais son coeur saignait plus encore que toutes les plaies qu’il avait dû refermer, car il n’était pas parvenu à sauver la moitié des guerriers qu’on lui avait amenés. Tant de jeunes hommes forts et vigoureux avaient rejoint le monde des morts au cours de cette bataille… Et pourquoi ? Pour les dieux ? Pour la liberté ? À genoux, près de la rivière où il venait de se laver, Sénatha pleura ses frères morts au combat et il pleura pour son peuple que le malheur ne se lassait de poursuivre. Puis, il fut pris d’un accès de colère soudain et cria à la face des dieux, les maudissant pour tout ce qu’ils faisaient subir aux siens. Lorsqu’enfin il fut à bout de souffle, une voix calme et sereine lui parvint. « Exigeant mortel. Intransigeant mortel… Pourquoi n’accordes-tu pas aux dieux le droit de commettre des erreurs ? » Sénatha se retourna vivement et vit l’homme qui se tenait à quelques mètres de lui. Ce n’était pas un Ogmanan, mais il n’appartenait pas non plus au peuple de Kel, cela ne faisait aucun doute. Sénatha était cependant trop épuisé pour se montrer curieux et les paroles de l’homme lui étaient par trop douloureuses pour qu’il remette sa réponse à plus tard. « Parce que les conséquences de leurs erreurs ravagent nos terres et fauchent nos frères par centaines. Parce qu’ils sont si fiers et obtus qu’ils refusent d’admettre qu’ils se sont trompés et nous poursuivent où que nous fuyions! lâcha-t-il d’un ton qui ne cachait pas son amertume. —Mais il arrive parfois que les mortels soient si aveugles qu’ils passent à côté de la main que leur tendent les dieux, répondit l’homme sur le même ton posé. — Que veux-tu dire ? Et qui es-tu, toi qui parles comme si tu étais un messager des dieux ? — Je suis l’un de ceux que tu détestes tant et je suis venu te prouver que l’aide des dieux est à la hauteur des maux dont ils sont la cause. » À ces mots, Sénatha eut un mouvement de recul, s’atten dant à quelque traîtrise. Pourtant, quelque chose en lui le poussait à accorder sa confiance à l’inconnu. « Pourquoi ferais-tu cela ? demanda-t-il. — Parce que je sais certaines choses que même la Déesse ignore encore. Parce que je sais que ton peuple est appelé à réaliser de grands desseins sur cette terre. Il doit auparavant endurer mille maux et mille tourments. Il en va ainsi et je n’y puis rien. Toutefois, il est en mon pouvoir de donner aux tiens les moyens d’accom plir leur destinée. Et tu seras celui par qui l’espoir renaît. — Pourquoi moi ? demanda Sénatha. — Pourquoi pas toi ? répondit simplement l’inconnu. Ferme les yeux et ouvre-moi ton esprit. Je te guiderai et te révélerai une partie du secret des dieux. » Sans savoir réellement pourquoi il obéissait, Sénatha ferma les yeux et s’efforça de faire le vide dans son esprit. Il perçut tout d’abord la présence diffuse mais rassurante de l’inconnu, puis soudain, il se sentit basculer, comme s’il était précipité dans le vide. Par réflexe, il tenta d’ouvrir les yeux, mais son corps ne lui obéissait plus. En fait, à bien y penser, l’évidence lui vint à l’esprit : il n’avait plus de corps. Et cette sensation de chute n’était due qu’à la séparation de la chair et de l’âme. Ce qu’il advint par la suite est infiniment difficile à relater, car les mots qu’utilisent les mortels ne peuvent décrire que ce que leurs sens leur permettent d’appréhender. Sénatha ne ressentit rien, pas plus qu’il ne vit quoi que ce soit. Mais il voyagea au coeur de la connaissance. L’inconnu le guida sur la toile complexe des arcanes de la Création et, peu à peu, Sénatha comprit la nature profonde de toute chose, vivante ou inanimée. Son esprit déchiffra de plus en plus clairement le subtil agencement des éléments qui constituaient le monde et il en vint même à saisir le moyen de maîtriser cette puissance pour la tourner à son profit. À cet instant précis, il se sentit comme tiré vers le bas et il sut que son voyage touchait à sa fin. Il allait réintégrer son corps, il le savait. Pourtant, il sentait confusément qu’il lui restait encore mille secrets à découvrir, que seule une infime partie de la vérité venait de lui être révélée. Il aurait voulu lutter, étancher encore sa soif de connaissance à cette source intarissable, mais inexorablement, il se sentait revenir au monde. Lorsqu’il ouvrit enfin les yeux, il était déchiré entre émerveillement et frustration. L’inconnu se tenait toujours face à lui, l’observant de son regard bienveillant. Sénatha voulut parler, mais avant qu’il ouvre la bouche, l’homme lui tendit un sac de cuir en disant simplement ceci : « Tu sais, désormais. Il te revient maintenant d’user de ce savoir et de l’enseigner. » Sans un mot, Sénatha prit le sac et l’ouvrit. Il contenait quatre pierres, chacune de la taille d’un galet. La première était chaude et rougeoyait comme la braise. La seconde était lisse et translucide, pareille à une goutte d’eau solidifiée. Sénatha fut stupéfait en prenant la troisième, car elle était plus légère que le duvet le plus fin. La dernière, enfin, ressemblait à un vulgaire caillou brun. Et, à travers chacune de ces gemmes, Sénatha ressentit la puissance des éléments telle qu’il l’avait perçue lors de son périple spirituel. Lorsqu’il s’arracha à sa contemplation, Sénatha sentit mille questions se bousculer dans sa tête. Mais l’inconnu n’était plus là pour y répondre. Une fois que Sénatha eut terminé de conter son étrange histoire, Avagd lui demanda ce qu’il exigeait en paiement de ses services. Sénatha s’inclina humblement devant son roi et lui répondit ceci. « Je sais, désormais, et j’ai fait usage de ces pouvoirs. Il me reste maintenant à les enseigner. Ce que je demande est simple. Chaque année, je choisirai un enfant ayant vu dix printemps et j’en ferai mon disciple. — Quel roi refuserait à son peuple une telle offrande ? répondit Avagd. Je te donnerai ce que tu demandes, mais je te suis maintenant deux fois redevable. — Accepte alors ma voix pour ton conseil et nous serons quittes, dit alors Sénatha. — Qu’il en soit ainsi, déclara Avagd. À partir de ce jour tu seras seul à pouvoir parler avant moi et il en sera de même pour tes disciples et ma descendance. » Ainsi fut scellé le pacte qui aujourd’hui encore lie le roi aux druides de la tribu.

LA BATAILLE DE KEL AN TIRAIDH.
Les Keltois nommèrent leur cité Kel An Tiraidh, la Cité du peuple de Kel. Ils pensaient alors avoir définitivement gagné le droit de s’établir sur cette terre lors de la bataille des Rives rouges où les Ogmanans avaient perdu les deux tiers des leurs. C’est pourquoi la crainte les envahit lorsqu’ils virent les Ogmanans se masser face à leur cité, aussi nombreux que lors de leur premier affrontement. Et la peur se mua en terreur lorsqu’ils virent d’autres créatures émerger de la forêt proche. Ces êtres, mihommes, mi-chevaux, étaient presque aussi grands que les Ogmanans et deux fois plus nombreux. Ils étaient armés de redoutables haches et semblaient animés d’une farouche volonté d’en finir avec les hommes de Kel. Entre les deux groupes, se tenaient Murgan et Danu. Lahn, toujours hautain, se désintéressait des événements depuis le départ. Quant à Cianath, il restait à l’écart, comme si, pour lui, l’issue du combat était déjà décidée et inéluctable. Cette fois, les assaillants ne se ruèrent pas à l’assaut comme lors du précédent affrontement. Se tournant vers les centaures, Murgan leva sa lance vers le ciel et la fit tournoyer. Les centaures s’avancèrent au petit trot en direction des murs de Kel An Tiraidh où continuaient d’affluer les défenseurs pris au dépourvu. Arrivés à une centaine de mètres de la cité, ils se mirent à galoper dans un tonnerre de sabots. Les Keltois pensèrent tout d’abord que les centaures allaient tenter de sauter par-dessus les remparts, mais ceux-ci commencèrent à tourner autour en jetant leurs haches sur les défenseurs. Les Keltois tentèrent de projeter leurs javelots, mais les centaures étaient si rapides que rares furent ceux qui atteignirent leur cible. Danu s’avança alors un peu plus près des combats, et ordonna à la terre de lui obéir. Une large faille s’ouvrit sous les murailles de Kel An Tiraidh dont une partie fut engloutie en même temps que de nombreux Keltois. Terrifiés par cette magie, les défenseurs virent leur volonté vaciller. Mais Sénatha apparut soudain et s’avança au bord du gouffre. Posant les deux mains sur le sol, il prononça quelques mots avant de jeter une gemme brune dans les profondeurs de la terre. Un grondement se fit entendre et, en même temps que Sénatha levait les bras au ciel, une multitude de pierres et de roches s’éleva hors de la faille. Ces projectiles lévitèrent quelques instants entre ciel et terre, jusqu’à ce que Sénatha abaisse brutalement les bras en direction des centaures. Avec une rapidité et une violence inouïes, les rochers percutèrent de plein fouet les fières créatures. Il semblait alors que les centaures étaient prêts à battre en retraite, lorsque le cri de guerre d’Ogmios retentit sur la plaine. Une fois encore, la charge des Ogmanans fit trembler le ciel et la terre et rendit courage aux hommes-chevaux. Les remparts de pierre résistèrent cependant mieux que la première fois et le premier assaut fut repoussé. Quelques centaures tentèrent de pénétrer dans la cité par la brèche ouverte dans les remparts. Mais, s’ils parvinrent à sauter par-dessus la faille sans trop de difficulté, ils furent exterminés par les Keltois armés de longs épieux de chasse. Murgan, rageur, mena lui-même le second assaut des Ogmanans. Sa lance enflammée plongeait les Keltois dans la terreur et, sous son impulsion, Ogmios et une partie de ses guerriers parvinrent à franchir l’enceinte de la cité. Une fois à l’intérieur, les Ogmanans surent cette fois rester groupés pour résister aux défenseurs, plus nombreux. Lentement, mais inexorablement, Murgan et Ogmios se frayaient un chemin sanglant en direction des portes de la cité. S’ils parvenaient à les ouvrir, les centaures déferleraient dans la ville, signant ainsi la fin de Kel An Tiraidh. Voyant cela, Avagd se porta à leur rencontre et défia le chef des Ogmanans. Relevant le défi, Ogmios se rua sur lui, l’arme haute. Au même moment, Sénatha faisait face à Murgan. Partout ailleurs, il semblait que le temps s’était arrêté. Chacun retenait son souffle, car tous savaient que de ces deux duels dépendrait l’issue de la bataille. La lance du fils de Danu consumait tout ce qu’elle touchait et nul guerrier n’osait s’approcher de lui. Brisant une gemme bleutée entre ses mains, Sénatha s’enveloppa d’un halo brumeux qui scintillait au soleil et s’avança vers Murgan, une lueur résolue dans le regard. Avagd était un colosse, mais il avait l’air d’un enfant au regard d’Ogmios. L’Ogmanan abattit son immense hallebarde, mais le Keltois, plus vif, esquiva le terrible coup et riposta d’un revers de sa hache à deux mains. Ogmios laissa échapper un grognement de douleur lorsque la hache d’Avagd lui entailla profondément la cuisse. Mais il ne vacilla pas. Au contraire, rendu furieux par sa blessure, il fit s’abattre une avalanche de coups sur son adversaire. Sûr de lui, Murgan frappa Sénatha qui malgré la promesse de mort portée par cette attaque ne tenta pas d’esquiver la lance. De son côté, Avagd reculait. Il parait difficilement les coups de l’Ogmanan et sa hache menaçait de se briser à chaque assaut. Soudain, dans un cri rageur, Ogmios lui asséna un coup à fendre une montagne. Par miracle, l’arme d’Avagd tint bon, mais lui-même fut projeté à terre. La pointe enflammée filait droit vers le coeur de Sénatha. Mais, à la grande stupeur de Murgan, lorsque sa lance pénétra dans le halo, l’attaque sembla avoir perdu toute force. Étendu sur le dos, Avagd vit la lame d’Ogmios fondre sur lui comme un oiseau de proie. Dans un ultime réflexe, il se laissa rouler sur le côté d’un coup de reins. Emporté par son élan, Ogmios ficha profondément sa hallebarde dans le sol. Avagd ne laissa pas cette occasion lui échapper. Il se releva et, dans le même mouvement, sa longue hache décrivit un arc de cercle en direction de la nuque de l’Ogmanan. Avec un bruit mat, l’énorme tête d’Ogmios roula sur le sol. Écartant la lance désormais inoffensive, Sénatha s’avança encore et posa ses mains sur le torse de Murgan. La brume enveloppa le terrible guerrier qui sentit alors sa soif de combat le quitter peu à peu. Le pouvoir de l’eau avait mis un terme à la fureur ravageuse du feu. Cette fois encore, les cris de victoire des Keltois résonnèrent sur la plaine.

LE BEAU CORNU.
Après la seconde bataille qui les opposa aux Ogmanans et aux centaures, les habitants de Kel An Tiraidh n’eurent guère le temps de se remettre des combats. Ils virent bientôt les Ogmanans revenir, aussi nombreux qu’au premier jour et Ogmios, qui avait pourtant été décapité par Avagd, se trouvait parmi eux. « Ainsi leur Déesse possède le pouvoir de les ramener d’entre les morts, dit Avagd. Jamais nous ne les vaincrons. Car nous aurons beau les repousser, ils reviendront chaque jour. Et chaque jour nous perdrons plus de guerriers. » Éladh, son fils intervint alors. « J’irai chez les Ogmanans pour percer leur secret. Et, s’il le faut, je tuerai leur Déesse. » Les Ogmanans et les centaures revinrent pour harceler les Keltois. Mais ils ne lancèrent plus d’assaut massif, se contentant d’effectuer des raids, tuant quelques hommes avant de repartir dans les bois et les montagnes. Éladh se mêla à un groupe de chasseurs et s’enfonça avec eux dans les bois sombres. Là, comme ils s’y attendaient, les centaures ne furent pas longs à leur tendre une embuscade. Les chasseurs se défendirent bien, et tuèrent l’une des créatures avant de battre en retraite. Éladh, quant à lui, feignit d’avoir été tué et resta sur les lieux du combat. Il vit alors les centaures emporter celui des leurs qui avait succombé. Il les suivit à travers les bois jusqu’à une vaste clairière où se dressait un cercle de pierres levées, au centre duquel se tenait Danu. À sa droite était posée une jarre remplie de glaise humide. À sa gauche, se trouvait un grand récipient de terre cuite. Éladh vit les centaures déposer leur frère aux pieds de la Déesse. Celle-ci prit alors un peu de glaise et, avec une dextérité surprenante, modela une figurine, réplique exacte du défunt. Déposant la statuette dans le creuset, elle tira ensuite une dague de sa ceinture et s’entailla la main, laissant tomber quelques gouttes de son sang dans le récipient sacré. Quelques instants durant, le silence se fit dans la forêt. Nul bruissement, nul chant d’oiseau ne se fit plus entendre. Soudain, semblant remonter des profondeurs de la terre, un mugissement s’échappa du creuset et, aidé par ses compagnons, le centaure qui gisait quelques secondes plus tôt aux pieds de la Déesse s’en extirpa, bien vivant. À la place de son cadavre ne demeurait plus qu’une fine poussière brune. De retour à Kel An Tiraidh, Éladh rapporta ce qu’il venait de voir. « Ce prodige ne vient pas seulement de la Déesse, conclut-il. C’est cette urne qui est la source du grand pouvoir de nos ennemis. Je n’aurais pas à tuer Danu ; il me suffira de briser l’instrument de sa magie et nos ennemis ne pourront plus revenir du royaume des morts. » Avagd secoua la tête d’un air sceptique. « Jamais tu ne pourras approcher suffisamment près, ni de Danu ni de cette urne. » Sénatha prit alors la parole. « Au contraire, c’est une chose très simple. Je ferai en sorte que ton fils prenne l’apparence d’un grand cerf et il pourra ainsi aller librement dans la forêt. Lorsqu’il se trouvera seul avec la Déesse, il reprendra son apparence de jeune homme. Émerveillée par ce prodige, Danu se laissera séduire et partagera sa couche avec lui. Il lui sera alors facile de briser le creuset durant son sommeil. » Et Éladh fut ainsi changé en cerf par les prodiges de Sénatha. Sa ramure était plus imposante que celle de n’importe quel grand mâle de la forêt. Et il plaisait à Éladh d’aller sous cette forme. Lorsqu’il parvint au cercle de pierres, il poussa un brame puissant qui se répercuta en écho jusqu’aux montagnes habitées par les Ogmanans. Entendant un tel cri, Danu voulut savoir de quelle bête il émanait, car jamais elle n’en avait entendu de plus puissant. Elle se rendit alors à la clairière, emportant le creuset dont jamais elle ne se séparait. En découvrant Éladh, elle se dit que jamais elle n’avait vu un animal aussi magnifique. Elle s’approcha de lui et posa sa main sur son front. Comme le lui avait recommandé Sénatha, Éladh reprit son apparence humaine. Danu fut stupéfaite de ce prodige et lui demanda qui il était. Éladh mentit, prétendant que nul ne l’avait jamais nommé, lui qui n’était ni homme ni bête. Danu décida alors qu’il se nommerait désormais Cernunnos, ce qui signifiait le Beau Cornu. « Ce nom me plaît, et il me plaît de t’en remercier » répondit Éladh avant de l’attirer contre lui. Danu ne le repoussa pas et ils s’unirent l’un à l’autre dans cette clairière. Lorsqu’ils furent rassasiés du plaisir de leurs corps, Éladh feignit de s’endormir et attendit que Danu fasse de même. Le moment venu, il se leva et, saisissant une pierre, s’apprêta à fracasser le creuset. Mais au dernier moment, et sans qu’il puisse expliquer pourquoi, il ne put s’y résoudre. Un léger rire se alors fit entendre derrière lui. Éladh se retourna vivement et vit Cianath qui le regardait d’un air amusé, mais bienveillant. Éladh ouvrit la bouche pour parler, mais ce fut le fils de Danu qui prit la parole. « Croyais-tu vraiment pouvoir partager la couche de la Déesse et t’en retourner tel que tu étais auparavant ? — Qui es-tu ? Et que veux-tu dire ? demanda Éladh d’un ton méfiant. — Je suis Cianath et, en t’unissant à ma mère, tu es devenu son égal. Ainsi, nos deux peuples pourront enfin connaître la paix. » Se tournant vers Danu, toujours endormie, Éladh comprit pourquoi il n’avait pu briser le creuset. Son coeur se gonflait dans sa poitrine alors qu’il la contemplait et il ne désirait plus qu’une chose, s’étendre à nouveau auprès d’elle. Il était devenu Cernunnos. « Si tu dis vrai, j’attendrai son réveil et, ensemble, nous apporterons la paix sur la plaine. » dit-il à Cianath. Puis il se rendormit auprès de Danu. Mais son sommeil fut troublé par un rêve étrange.

LE RÊVE DE CERNUNNOS
Dans ses songes, Cernunnos reprit l’apparence du cerf et repartit à travers la forêt pour annoncer au peuple de Kel qu’il pourrait bientôt vivre en paix. Mais, lorsqu’il parvint à Kel-An-Tiraidh, il ne put reprendre sa forme humaine et nul n’entendit ce qu’il avait à dire. On le reconnut, pourtant, et son père l’accueillit sans montrer de peine. Une belle jeune femme brune se présenta alors à la porte de la cité et dit avoir un message pour le chef du peuple de Kel. On la fit entrer et lorsque Avagd lui demanda de se nommer, elle dit s’appeler Scathach ce qui signifiait à la fois « la brune » et « l’ombre » et se prétendit conteuse et poète. « Si j’exerce mon art dans ta maison, m’offriras-tu l’hospitalité ? » demanda-t-elle sans ambages. Il était alors du devoir de tout chef keltois d’accéder aux souhaits des bardes et échansons en sa demeure, et Avagd accepta volontiers l’offre de Scathach. La conteuse entonna alors un chant de gaieté et tous se sentirent d’excellente humeur. Puis, elle leur conta une histoire si triste que beaucoup pleurèrent et sentirent leur coeur se serrer. Lorsqu’elle eut terminé de les distraire, Avagd lui demanda ce qu’elle désirait pour récompense. Scathach répondit alors qu’un simple repas suffirait à la contenter. Avagd lui demanda alors ce qu’elle voulait qu’on lui servît à souper. Sans hésiter, Scathach se tourna vers Cernunnos et exigea que l’on mette ce cerf à mort pour son repas. « Je ne peux t’offrir ce cerf, Scathach, répondit gravement Avagd, car il s’agit en fait de mon propre fils et il m’est interdit d’ordonner sa mort. » Scathach, vexée, prononça alors ces mots. « Puisque tu refuses de t’acquitter de ton devoir d’hospitalité envers moi, ta terre sera plongée dans les ténèbres et les tiens connaîtront la terreur d’un monde sans lumière. » À ces mots, le ciel s’obscurcit soudain et le disque solaire fut remplacé par une lune d’argent pâle et sans chaleur. Ainsi le monde connut-il sa première nuit. Car Scathach n’était autre que Lahn. Jaloux de Cernunnos, lui qui jusqu’alors avait été le seul à connaître l’étreinte de la Déesse, il avait décidé de se venger en punissant le peuple de Kel. Lorsque Cernunnos s’éveilla, il constata qu’il avait toujours son apparence humaine. Il crut tout d’abord n’avoir fait qu’un mauvais rêve, mais il se rendit alors compte que les ténèbres qui l’entouraient n’étaient pas le fait des ombres de la forêt. Le soleil avait bien disparu et il comprit la signification de son rêve. Une fois encore, lui et les siens avaient été abusés par les dieux. Il entra dans une grande colère et l’idée de tuer Danu lui traversa l’esprit. Mais sa fureur ne parvint pas à lui faire oublier l’amour qu’il ressentait pour elle. De dépit, Éladh fracassa le creuset avant de rejoindre les siens.

LA DERNIÈRE BATAILLE.
Lorsqu’il parvint aux abords de Kel-An-Tiraidh, le spectacle qui s’offrit à lui le glaça d’horreur. La cité ressemblait à un gigantesque brasier et des hurlements terribles s’en échappaient. Des centaines de torches tournoyaient autour du mur d’enceinte et, à la lueur des flammes, Cernunnos pouvait distinguer les corps à corps sanglants qui se déroulaient sur les remparts. Tout aussi terrifiés par les ténèbres que les Keltois, les Ogmanans et les centaures avaient attribué la disparition du soleil à la présence des envahisseurs. Ils avaient alors décidé que cette nuit verrait l’anéantissement des Keltois ou leur propre fin. Il ne serait plus question, cette fois, de battre en retraite. Ils se battraient jusqu’à la mort et jusqu’au dernier. Fou de rage et de chagrin à la vue de ce massacre, Cernunnos se rua dans la mêlée, espérant plus que tout mourir avec les siens. Mais il était désormais l’égal d’un dieu et on prétend qu’il terrassa plus de cent adversaires à lui seul. Des milliers de valeureux guerriers moururent cette nuit-là dans les deux camps. Avagd lui même périt, le crâne fendu par la hache d’un centaure. Il semblait que jamais la mort ne serait rassasiée. Le sang coula jusqu’à ce que la terre ne puisse plus le boire et les combattants s’entretuèrent sur les monceaux de cadavres. Danu fit son apparition sur le champ de bataille. Hâve et pâle, elle portait deux enfants sur son sein. Elle était suivie de Cianath qui portait un troisième nourrisson dans ses bras. « Assez », murmura-t-elle dans un souffle. Et sa voix fut entendue de chacun. Sa présence était si forte que les combats cessèrent sur le champ et que tous les regards se tournèrent vers elle. « Assez de tueries, reprit-elle, je suis lasse de voir ma terre se gorger de sang et se couvrir d’ossements. elle est faite pour la pluie et le blé. Peuple de Kel ! Vous m’avez rejetée de peur que je vous trahisse, mais l’un de vos fils est venu à moi. Et en unissant nos corps, nous avons uni nos peuples, car je lui ai offert l’immortalité des dieux. Ainsi, vous n’aurez plus à nous redouter, puisque l’un des vôtres est notre égal. Et si cela n’est pas suffisant, puissiez vous accorder votre amour aux fruits de notre union. » Cianath éleva alors l’enfant qu’il portait vers le ciel. Danu poursuivit. « Voici les trois filles de celui que vous appeliez Éladh. Elles ont pour nom Siobhan, Fiann et Neraidh. Tout comme moi, elles n’auront de cesse de préserver cette terre et les peuples qui y sont nés. Comme leur père, elles protégeront et guideront les fils de Kel. » Ne sachant que penser de tout cela, les Keltois restèrent silencieux, attendant un signe de leurs chefs. Cernunnos, encore tout ensanglanté du combat, se détacha alors de la mêlée. Et s’en fut à la rencontre de Danu. Arrivé auprès d’elle, il prit l’une des filles dans ses mains et la regarda quelques instants. Il s’adressa ensuite à Danu. « Mon coeur est rempli d’amour pour toi et ces enfants, Danu. Mais il s’y trouve également du chagrin pour ceux des miens qui sont tombés aujourd’hui et de la crainte pour mon peuple. C’est pourquoi je te demande une dernière chose. Lève les ténèbres qui obscurcissent le ciel, et je jure que les miens vivront en paix avec ton peuple. » Danu s’apprêtait à répondre, mais ce fut Cianath qui prit la parole. Face à son père, Lahn, il lui adressa cette supplique. « Vois ! cria-t-il en exhibant l’enfant. Vois le présent que les fils de Kel nous ont apporté ! Danu, qui jadis ne te donna que des fils, a aujourd’hui enfanté trois filles. Pourquoi faire s’abattre le malheur sur ceux qui nous ont apporté une telle promesse de fertilité ? » Lahn écouta son fils et ses paroles lui causèrent un grand trouble. Car il fut forcé d’admettre que Cianath avait raison. Mais toujours subsistait en lui le feu de la jalousie envers Cernunnos. Et ce fut un tel déchirement pour lui que son être finit par se séparer. Ainsi naquit Scathach, incarnation du désir de vengeance de Lahn. Et tous deux devraient par la suite se disputer les Cieux pour l’éternité. Pour l’heure, sur le champ de bataille, les combattants purent contempler la première aube de la Création. Se tournant vers les siens, Cernunnos parla d’une voix forte. « Fils de Kel ! Moi, Cernunnos, fils d’Avagd, je jure en ce nouveau jour d’oublier la haine qui m’a opposé aux enfants de la Déesse tout comme j’ai renié mon ancien nom. Mais nos morts ne seront pas oubliés et cette plaine portera désormais le nom d’Avagddu. Ainsi, chacun se souviendra que le chef qui nous mena sur cette terre est tombé ici en combattant pour son peuple ! » Une grande clameur salua les paroles de Cernunnos. Puis, levant l’enfant au-dessus de lui, il poursuivit. « Que cette enfant et ses soeurs soient pour vous les symboles d’une ère nouvelle, car notre sang coule dans leurs veines autant que celui des dieux. »

La Langueur de Cernunnos.
Après la seconde bataille de Kel An Tiraidh, les fils de Kel firent la paix avec les peuples de Danu et tous reconnurent en Avagddu le nom de leur nouvelle terre. Cernunnos régna sur la nouvelle nation keltoise au côté de Danu. Ils rendaient la justice le jour et redevenaient amants chaque nuit, sous le regard plein de rancoeur de Scathach. Une nuit sans lune, Scathach prépara deux décoctions d’herbes qu’elle mélangea au repas du couple royal. La première eut pour effet de plonger Danu dans un profond sommeil. La seconde permit à Scathach de prendre la place de la Déesse dans la couche de Cernunnos, sans que celui-ci s’en aperçoive. Ainsi, Cernunnos s’accoupla-t-il avec celle qui désirait sa perte plus que tout autre chose. Et il en fut ainsi chaque nuit durant plusieurs cycles. Chaque jour voyait Cernunnos un peu plus affaibli. Le jeune roi perdit peu à peu le goût du vin et des réjouissances. Sa vigueur le quitta et il n’alla bientôt plus chasser avec les siens. Ses proches le voyaient dépérir et demeuraient impuissants… Et chaque nuit, Scathach revenait auprès de lui pour lui dérober sa force et sa virilité. Sénatha fut le seul à soupçonner que la langueur de Cernunnos était peut-être due à quelque malveillance. Une nuit, il prit l’apparence d’une corneille et vint se poser sur la fenêtre de la chambre de Danu et Cernunnos. De là, il put voir de ses yeux les étranges événements qui s’y répétaient chaque nuit. Danu, étendue sur d’épaisses fourrures, dormait si profondément qu’on eut pu la croire morte. Cernunnos, quant à lui, semblait dans un état second. Agenouillé sur le sol, il contemplait fixement une large vasque emplie d’eau claire. Lorsque la lune vint à s’y refléter, une forme féminine en sortit. Sénatha reconnut immédiatement Scathach, mais Cernunnos l’enlaça passionnément, comme il l’eut fait avec Danu. Le lendemain, Sénatha vint trouver son roi pour lui rapporter ce qu’il avait découvert. Mais Cernunnos, qui ne se souvenait de rien, refusa de le croire. Sénatha lui demanda alors de ne point goûter de nourriture ce jour car c’était, d’après lui, l’origine de son mal. Toujours sceptique, Cernunnos accepta tout de même de suivre le conseil du druide. Ce soir-là, Cernunnos trouva étrange la soudaine torpeur qui s’empara de sa compagne et, lorsqu’il vit Scathach apparaître nue devant lui, il sut que Sénatha avait dit vrai. Scathach vit tout de suite que Cernunnos n’était pas sous l’emprise de sa drogue. Elle lui adressa alors un sourire méprisant. “Ainsi, ma ruse a finalement été éventée. Qu’importe. Le mal est fait !” dit-elle avant de se laisser aller à un éclat de rire cassant. Le regard noir de Cernunnos posé sur elle ne semblait pas l’impressionner, malgré la colère à peinecontenue qu’il trahissait. “Non”, répondit-il soudain avec assurance, “c’en est fini de ta sorcellerie. jamais plus tu ne nous causeras de tourments !” À ces mots, Scathach rit de plus belle. “Imbécile ! Et que crois-tu qu’il adviendra lorsque Danu apprendra que tu as trahi son amour et que tu en as engrossé une autre ?” Scathach marqua une pause pour savourer l’expression incrédule de Cernunnos. “Oui, je porte ton bâtard. Et il sera la preuve de ton infamie.” “La haine te rend aussi aveugle que stupide, Scathach. Lorsqu’elle apprendra la vérité, Danu me pardonnera car elle m’aime comme jamais elle ne t’a aimée lorsque tu étais encore Lahn. Et jamais plus elle ne sera à toi.” Entendant cela, Scathach entra dans une rage désespérée, car les mots de Cernunnos lui faisaient mal. Submergée par son désir de vengeance, elle empoigna l’épée du roi et, d’un revers qu’il ne put complètement esquiver, lui lacéra le visage. La blessure était horrible à voir. Une estafilade sanguinolente barrait le visage de Cernunnos, du front jusqu’à la joue, et son orbite droite n’était plus qu’un trou écarlate et effrayant. Contemplant son oeuvre, Scathach parut se calmer et recouvra sa morgue méprisante. Elle prononça alors une satire qui devait bouleverser à jamais la vie des peuples d’Aarklash. “Le Beau Cornu n’est plus. Danu, en s’éveillant, n’éprouvera plus que crainte et répulsion à la vue de ton visage. Ton peuple en viendra à te considérer avec dégoût et frayeur. Tu seras chassé de ton trône et de ta tribu. Tu seras désormais Cernunnos, la Bête errante !” Le verbe était fort et l’anathème fut jeté. Ce fut alors que Danu s’éveilla. À la vue du visage mutilé de son amant, elle poussa un cri de frayeur qui transperça le coeur de Cernunnos comme un trait de glace. Il sut alors que la malédiction de Scathach se réaliserait et il préféra la solitude d’une vie d’errance à l’humiliation qui l’attendait. Au-dehors, le royaume de Scathach noyait encore Avagddu de ses ténèbres. Fuyant les lumières de Kel An Tiraidh, Cernunnos s’enfuit dans l’obscurité pour s’y dissimuler à jamais.

Cry Havoc Nr. 8, Page 59.
La nation Keltoise est constituée d’une multitude de tribus qui, soit par leur isolement, soit en raison de leurs qualités particulères, n’ont pas été intégrées au sein du clan majoritaire: Les Sessairs. Les légendes racontent qu’autrefois, mille tribus arpentaient la plaine d’Avaggdu. Il n’en reste q-plus qu’une centaine, dont certaines comptes moins d’une dizaine de membres.

L’ORGANISATION DES TRIBUS
Par-dessus tout, les Keltois défendent leur liberté ; les lois et les contraintes qu’impose la civilisation telle que la définissent leurs voisins sont pour eux un objet d’aversion et d’incompréhension. Malgré cela, les Keltois ne constituent pas un amas informe de tribus sans cohésion. Ils forment un tout relativement uni, même s’ils ne se réunissent pas autour d’un état, comme les Barhans, ou d’un clergé, à l’instar des Akkylanniens. Les Keltois partagent un grand nombre de croyances et de cérémonies. Tous attachent beaucoup d’importance à la notion d’héroïsme et honorent les grandes figures des temps anciens, comme (Éladh?) ou Ogmios. La quasi-totalité des clans de la plaine se réunit pour célébrer les grandes fêtes, comme Scâth nasad ou Danu nasad. Depuis la disparition du Ard-Rí (le Haut roi), aucune tribu ne reconnaît la souveraineté de quiconque sur son territoire. Toutefois, les druides et les chefs de clan profitent d’être rassemblés lors de ces fêtes pour aplanir les différends entre leurs tribus respectives avant qu’ils ne dégénèrent en guerre ouverte. Ce système permet de maintenir les guerriers sur le qui-vive, puisqu’il n’est pas question de contacter son voisin en dehors de ces occasions particulières. Ainsi, les tribus ont le temps de s’affronter, tout en préservant les possibilités de négociation. Les Keltois respectent la loi du plus fort : défaits par un ennemi, ils s’inclinent (ou meurent), mais ruminent rarement leur vengeance. Lorsqu’un différend menace de dégénérer en guerre civile, les plus faibles quittent la plaine pour de nouvelles terres. Ce fut le cas des Alahaars et des Ylliars qui s’unirent en Alahan. Incontestablement, le nombre de tribus diminue régulièrement et il ne s’en crée pratiquement plus aucune. Cette situation profite aux Sessairs, de plus en plus puissants et nombreux, d’autant plus que les rares affrontements tournent souvent à leur avantage. Seules les tribus trop isolées, comme les Loups d’Avagddu, et celles que les Sessairs refusent d’affronter, comme les Gardiens du Scâth, échappent à ce destin. Les druides s’inquiètent de cette situation ; mais n’est-il pas naturel que les tribus se rassemblent sous une même bannière pour faire face à la plus grande tempête qu’Aarklash ait jamais affronté : le Rag’narok? La lente marche des Keltois vers la formation d’un état sessairs apparaît aujourd’hui comme une fatalité et ce, malgré la résistance farouche des autres tribus.

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